La frontière entre marketing et manipulation est floue. Ceci s’explique par le fait que marketeurs et webmarketeurs sont friands de manipulation. Pourtant, de même que tous les fruits ne sont pas des framboises, il est possible de marketer un produit sans utiliser de technique de manipulation.
Manipulation ou influence ?
Histoire de ne pas nous emmêler les pinceaux, éclaircissons d’abord un point. Je distingue l’influence de la manipulation. Pour définir ce qu’est la manipulation je m’appuie sur la définition du mensonge donnée par Paul Ekman dans Je sais que vous mentez, et ce bien que la manipulation n’implique pas nécessairement le mensonge. Manipuler, c’est chercher à influencer autrui sans qu’il ait conscience de cette influence. Ce caractère insidieux, furtif, est précisément ce qui distingue la tentative de manipulation de la tentative d’influence.
Par exemple, si je vous annonce explicitement que je vais tenter de vous convertir à mes opinions politiques, et qu’après cette annonce j’avance des arguments factuels, il s’agit là d’une tentative d’influence. Si j’utilise volontairement des arguments fallacieux, il s’agit d’une tentative de manipulation. Le cas où un interlocuteur utilise des arguments biaisés sans le savoir ne rentre donc pas dans la définition de la manipulation.
Page de vente, webmarketing et vessies déguisées en lanternes
Le modèle infopreneurial – c’est à dire vendre de l’information plutôt que des biens de consommation, activité qui a l’immense avantage de se décliner en produits dématérialisés de type mp3 ou e-book – est particulièrement propice aux techniques de manipulation. A cause de ses origines nord-américaines imprégnées d’un rapport décomplexé à l’argent ? Pas du tout. Si vous avez lu le Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois vous reconnaîtrez plusieurs techniques pratiquées couramment par les camelots de nos campagnes, ceux-là même qui harangue nos (arrières) grand-mères sur les marchés des petits villages.
1. Le storytelling
Le storytelling est tout autant une technique d’influence qu’une technique de manipulation. En effet, l’histoire racontée peut-être véridique ou inventée pour l’occasion. De plus, même dans le cas d’une histoire vraie, le choix d’introduire ou non ce storytelling par une note d’intention (« je pense que si je te raconte ce qui m’est arrivé tu te rangeras à mon point de vue ») constitue le point de bascule entre influence et manipulation.
Une parfaite illustration de la force du storytelling est le discours prononcé par Barack Obama à Hanoï en mai 2016. Le président alors en exercice commence son intervention par narrer sa visite de la ville, évoquant le plat typique qu’il a dégusté (« last night enjoyed some vietnamese food, tried some bun cha« ) et le trafic motocycliste dont il n’a « jamais vu l’équivalent dans aucune autre ville ». Puis il parle de son enfance à Hawaï pour expliquer que lui et son audience – il utilise le pronom « we » – n’ont connu que la paix. Une habile manière de s’attirer la sympathie de l’auditoire à travers des anecdotes, puis de créer une complicité plus profonde en impliquant que tous, le président états-unien comme les vietnamiens, partagent un vécu commun.
Revenons toutefois à des enjeux moins dramatiques que la levée de l’embargo sur les armes, objet principal du discours d’Hanoï. Dans l’infopreneuriat et en particulier dans le coaching, le storytelling est employé afin d’atteindre deux objectifs précis.
a. Je te comprends, fais-moi confiance
Le premier est d’amener le client potentiel à s’identifier au vendeur. Si je vous vends une formation hypnotique censée améliorer votre rapport à l’argent, vous raconter comment j’ai connu la pauvreté créera un sentiment de connexion entre nous. C’est exactement ce mécanisme que Barack Obama essaye d’activer à travers le récit de son enfance à Hawaï dans un monde sans guerre du Vietnam.
b. Si j’en suis là aujourd’hui, c’est que ma méthode marche
L’effet deux en un du storytelling dans le cas de notre formation sur le thème de l’argent, c’est que si je vous explique que j’ai connu la pauvreté, en plus de la complicité potentielle que cela construit, le simple fait que je sois aujourd’hui cet entrepreneur qui a une jolie landing page prouve que j’ai réussi à me sortir de cet état qui est encore le vôtre. Ce qu’on peut appeler l’effet « living proof ».
2. Le build-up
Le storytelling peut s’insérer dans la construction d’un argumentaire de vente beaucoup plus vaste. Ici, traduire « vaste » par « long ». Très long. Le mot build-up peut être traduit par « accumulation », « intensification », ou directement par « campagne publicitaire ». Il vient du verbe « to build » qui signifie construire, et effectivement il est chargé de cette notion de construction.
On retrouve d’ailleurs le build-up dans les codes et techniques du cinéma. Un build-up, c’est une montée dramatique. Il s’agit de construire une tension pour que le dénouement de l’intrigue équivaille à une délivrance de cette tension, même si ladite délivrance se fait dans le sang et les larmes. Il peut aussi y avoir des build-ups à plus petite échelle, au sein d’une seule et même scène. Si vous cherchez un exemple de build-up magistralement conçu à l’échelle d’un film, American Beauty en offre un bel exemple. Et pour un build-up à l’échelle d’une scène, la réception et le suspens autour de la caisse à champagne dans Les Enchaînés d’Alfred Hitchcock reste un monument d’orfèvrerie cinématographique.
Et dans le webmarketing me direz-vous ? Gardons l’exemple de notre formation d’hypnose supposée améliorer votre rapport à l’argent. Vous cliquez sur mon lien promotionnel, lien publié par exemple sur Facebook, et vous atterrissez sur ma jolie page de vente. Là, sans qu’aucun tarif ne soit énoncé clairement, une vidéo de présentation attend votre clic de client potentiel. Vous cliquez. Le storytelling précédemment évoqué commence. Vous imaginez peut-être qu’après avoir partagé mon histoire avec vous, je vais vous présenter mon produit, mais non. De ma voix mielleuse d’hypnotiseur amateur, je change de sujet. C’est maintenant de vous que je parle, de vos espoirs, de vos envies contrariées, de vos problèmes d’argent. C’est l’occasion de répéter que j’ai connu les mêmes problèmes que vous. Enfin j’aborde le sujet de cette formation, en termes vagues ou en évoquant ce qu’elle vous apportera (« grâce à cette formation vous pourrez enfin offrir à vos proches ces vacances dont ils rêvent et dont vous avez tellement besoin ». Je fais monter la sauce, lentement, très lentement, et au bout de 10 minutes de vidéo vous ne connaissez toujours pas le contenu de la formation ni son prix. Bienvenue au pays du build-up.
Envoyez moi vos coordonnées afin que je vous lègue ma fortune
Il faut être particulièrement patient ou parfaitement désespéré pour rester 20 minutes devant une vidéo vide de contenu dans l’espoir d’avoir le fin mot de l’histoire. Étonnant ? Non. Il s’agit d’un choix volontaire de la part du vendeur. Vous est-il arrivé de vous demander pourquoi les célèbres « scams africains » utilisaient des ficelles si grossières ? Pour sélectionner les personnes les plus crédules.
Si j’ai un produit à vendre, par exemple une formation, mon réflexe consiste à produire une vidéo ou une page de vente la plus synthétique possible. Spontanément, je ne vois pas l’intérêt de commencer par 15 minutes de build-up en cette époque où le temps d’attention est une ressource aussi vitale pour l’entrepreneur qui veut vendre que pour le citoyen qui veut améliorer sa qualité de vie en pratiquant une saine diète informationnelle. Nous sommes saturés d’information, autant être percutant si je veux vendre, n’est-ce pas ? Sauf que plus le build-up sera long, plus les gens moyennement intéressés déserteront la vidéo commerciale avant la fin. Ce qui veut dire aussi que celles et ceux qui l’auront regardé jusqu’au bout seront les plus susceptibles d’acheter le produit, quitte à dépasser le budget qu’ils auraient trouvé légitime d’investir dans ledit produit.
La longueur – souvent interminable – du build-up sélectionne les plus crédules, ou tout simplement ceux dont la curiosité a été la plus piquée par le storytelling initial. Une sorte d’approche quitte-ou-double qui est utilisée parce qu’elle fonctionne sur les gens les moins entraînés à reconnaître la manipulation.
3. Et ce n’est pas tout : prix cassés et bonus inestimables
Vous venez de vous infliger 21 minutes de vidéo explicative sur la formation « attirer l’argent grâce à l’hypnose ». Vingt-et-une minutes, dont cinq de storytelling. Vous êtes vraiment accroché-e – sinon comment seriez-vous encore là, si ce n’est pour effectuer votre propre veille concurrentielle ? – et vous allez enfin connaître le prix de cette formation. Pourvu que ce ne soit pas trop cher…
a. Ce-n’est-pas-tout !
Il va encore falloir patienter avant d’apprendre combien il vous faudrait débourser si vous aviez d’envie d’investir dans cette formation. Alors que vous pensez en avoir fini avec ce build-up digne du Hobbit de Peter Jackson, la voix mielleuse vous annonce que « ce n’est pas tout, en plus de cette formation j’ai décidé de vous offrir… » et l’inventaire à la Prévert commence. Un e-book gratuit sur l’art de devenir riche – qui se révélera un PDF de 3 pages – une seconde formation sur la motivation par l’auto-hypnose, ainsi qu’une conférence vidéo « d’une valeur inestimable » ont été inclus dans le pack « Améliorer votre rapport à l’argent blablabla ». N’est-ce pas merveilleux ?
Technique bien connue des webmarketeurs et des psychologues ayant étudié l’ingénierie sociale, le « ce-n’est-pas-tout » – parfois appelé « et ce n’est pas tout ! » – fait partie de l’arsenal de base de tout camelot qui se respecte. Son efficacité s’appuie sur deux mécanismes. D’abord, susciter chez la cible l’impression d’une opportunité unique à ne pas manquer. « La formation avait l’air intéressante, mais en plus il y avait tout plein de bonus, je ne pouvais pas manquer cette occasion… » Ensuite, le « ce-n’est-pas-tout » active l’obligation de réciprocité. L’anecdote vient de Dale Carneggie, auteur du best-seller – je ne comprendrais jamais pourquoi ce livre se vend si bien – Comment se faire des amis. A l’occasion des fêtes de fin d’année, il envoya des cartes de vœux à des personnes qui ne le connaissaient pas. Avec surprise, il constata que la majorité d’entre-eux lui écrivaient en retour pour lui souhaiter la bonne année, par politesse.
L’obligation de réciprocité est au cœur de constructions sociales complexes. Le don a souvent été étudié par les ethnologues, et la notion de contre-don théorisée par Marcel Mauss dans son célèbre Essai sur le don. Notons que Mauss, considéré comme un des auteurs les plus influents de l’école anthropologique française, ne s’est jamais rendu sur le terrain. Pour un regard plus contemporain sur la réciprocité dans les échanges humains, je vous suggère de vous tourner vers l’analyse transactionnelle, théorie psychologique ô combien géniale malheureusement éclipsée en France par l’hégémonie de la psychanalyse.
Pour en revenir au « et-ce-n’est-pas-tout !» de notre webmarketeur, l’obligation de réciprocité se manifestera dans l’esprit de la cible sous la forme de la pensée suivante : « c’est tellement généreux de sa part de m’offrir tous ces suppléments, je ne vais tout de même pas refuser son offre ».
b. Bonus d’une valeur inestimable
Je vous épargnerai la digression pourtant aguicheuse sur ce qui fait ou non le prix des biens et des services. Ce sera l’occasion d’aborder la notion de valeur perçue dans un prochain article, entre autres choses. Toujours est-il que parmi les bonus qui permettent d’appliquer la technique du ce-n’est-pas-tout, certains auront un prix clairement énoncé en devise, et d’autre « une valeur inestimable ».
Notez que même les bonus chiffrés auront un prix supérieur à ce qui vous sera demandé au final. Dans le cas de notre combo e-book + formation motivation par l’auto-hypnose + conférence vidéo d’une valeur inestimable, la formation en auto-hypnose vous sera présentée comme habituellement vendue au prix de 147 euros. Or, la formation au sujet de laquelle vous avez initialement consulté la page de vente coûte… 117 euros. C’est le montant qui vous sera demandé pour la formation « Améliorer votre rapport à la l’argent blablabla… » ET ses bonus. Vous avez bien lu, le prix de la formation devenue au fil de l’exposé un « pack spécial » est inférieur à celui d’un de ses bonus. Comment refuser une telle offre ? Surtout que… ce n’est pas tout ! Affirmer que tel ou tel produit aurait une « valeur inestimable » – ce qui prête à débat – permet de faire paraître dérisoire la somme qui sera finalement demandé en échange du produit dématérialisé ou du service proposé. Si mes services de coach ont une valeur inestimable, vais-je vous demander 55 000 euros pour une heure de coaching ?
Le prix cassé, une manipulation sensorielle
J’ai omis un détail. Entre la présentation du prix des différents bonus et la révélation du coût final de la formation pour laquelle vous investissez décidément beaucoup trop de temps, notre infopreneur / webmarketeur / camelot 2.0 vous aura expliqué en substance que « cette formation sur le rapport à l’argent est tellement efficace – et sa valeur tellement inestimable – que je pourrais la commercialiser au prix de 479 euros ». Il est temps pour nous d’invoquer le nom du saint patron des webmarketeurs, Steve Jobs. Le 27 janvier 2010, Steve Jobs présente le premier iPad de l’histoire. Après plus d’une heure de présentation, il explique qu’au regard de ces performances l’iPad devrait être vendu au montant de 999 dollars. Il ajoute ensuite que Apple s’est également fixé des objectifs d’accessibilité financière afin que le plus grand nombre puisse bénéficier de cet outil révolutionnaire. Sur l’écran de présentation devant lequel se tient Jobs, un « 499$ » vient alors s’écraser sur le « 999$ » précédemment affiché.
La technique utilisée par Jobs pour achever de rendre l’iPad irrésistible à son audience ressemble fort à ce qu’on appelle en psychologie sociale « crainte-puis-soulagement ». Sur les pages de ventes, les choses se présentent parfois différemment, par exemple quand deux prix sont affichés simultanément, le prix présumé habituel étant barré au profit de la promotion. Mais dans les vidéos de build-up et sur tous les sites où le prix de la prestation n’est pas visible dès le départ, on assiste à l’utilisation de ce mécanisme : annoncer un montant bien plus élevé que le prix qui sera réellement demandé à l’acheteur potentiel.
Nos sens sont profondément influencés par les contrastes. Sur votre chaîne hi-fi, écouter un disque en mettant le volume à 4/10. Poussez le volume à 6/10 pendant quelques minutes, puis revenez à 4/10, vous aurez l’impression que le volume sonore à « 4/10 » est moindre qu’au début de votre écoute. Évidemment, les réglages de la chaîne n’ont nullement changé, c’est uniquement votre perception qui est différente, par contraste.
Vous trouverez de nombreux exemples de ces différences de perception par contraste dans votre quotidien. Les yeux qui s’habituent à la lumière du soleil ou à l’obscurité d’une pièce sombre, une température perçue différemment selon qu’elle est habituelle ou qu’elle correspond à un changement de saison, etc.
Dans le cas du prix cassé, la technique crainte-puis-soulagement amène votre esprit à percevoir le prix final comme moins excessif. Une formation à 117 euros ce n’est pas nécessairement cher, tout dépend de votre niveau de vie, mais comparé à une formation qui en coûterait 147, ce n’est pas si cher. Vous pouvez faire la même analyse lorsque les prix énoncés comportent un zéro de plus. « La formation ‘Devenez riche en 3 mois’ coûte habituellement 4667 euros, mais pour VOUS elle est à 1557 euros ». Emballez c’est pesé.
4. La contrainte de temps
Les prix cassés, c’est efficace. S’ils étaient cassés en permanence, cela reviendrait une baisse de la valeur intrinsèque du produit et non d’une promotion. C’est ce que vivent de façon cyclique les produits high tech. Certes, la baisse définitive d’un prix peut pousser certains consommateurs à l’achat, mais rien ne les oblige à passer à l’acte dès que la diminution des prix entrée en vigueur. Ce qui nous amène à la technique la plus répandue dans le monde de la vente et du B2C, la contrainte de temps.
S’agit-il d’une technique d’influence ou d’une technique de manipulation ? Après tout, lorsque vous faîtes les soldes vous savez que ces promotions ont pour but de vous pousser à l’achat, n’est-ce pas ? Pourquoi en serait-il autrement sur la page de vente d’un produit dématérialisé ?
La contrainte de temps se manifeste sous la forme ordinaire des promotions, celles au sujet desquelles vous recevez des prospectus malgré le « stop publicité » collé sur votre boite aux lettres. Dans la grande distribution, elle trouve son paroxysme dans la vente flash. Fini le gigot à 10€ jusqu’à la fin du mois vanté toutes les heure sur les radios commerciales, ici vous n’avez que les 15 prochaines minutes pour profiter du lot de rasoirs octuple-lames Beaugosse Forever à moins 60 % le pack de huit.
La contrainte de temps fonctionne. Pas sur tout le monde, comme la majorité des manipulations. Qu’on s’en félicite ou qu’on s’en inquiète, les expériences menées en psychologie sociale annoncent rarement – jamais, à ma connaissance – des proportions de personnes influencées se montant à 100 % *. Il y a toujours des personnes, même en proportion minoritaire qui résistent aux techniques de manipulation employées. Néanmoins la contrainte de temps impacte une part suffisante des consommateurs pour que vous-mêmes, peut-être, ayez été influencés par elle. Un souvenir d’achat compulsif vous revient en tête ?
* Dans le cas de l’expérience de Standford, on peut avancer que 100 % des gardiens étaient devenus des tortionnaires, mais les choses sont plus subtiles et cette expérience ne peut apporter de certitudes scientifiques en raison de son occurrence unique. On peut également objecter que l’intervention de Christina Maslach pour faire cesser l’expérience montre que 100 % des observateurs ne sont pas restés sans intervenir, mais je digresse.
Pour maximiser le sentiment d’urgence induit par la contrainte de temps, webmarketeurs et infopreneurs vous recommanderont d’installer un compteur affichant un décompte sous la ou les promotions en cours, comme c’est le cas sur le site d’Amazon. L’échelle de temps sera toujours supérieure à celle d’une vente flash : les gens ont une vie, et même la part la plus investie de votre audience ne lit pas votre newsletter dans les 15 minutes qui suivent sa parution. Offre promotionnelle étalée sur une semaine ou sur trois jours, la contrainte de temps sera bien présente et toujours combinée avec des prix cassés.
Les 4 techniques de manipulation préférées des webmarketeurs : résumé
– le storytelling :
En utilisant une histoire personnelle dans un argumentaire de vente ou un discours politique, créer un sentiment de communauté ou de connexion avec l’audience. Permet aussi d’introduire un sujet grave en commençant par un récit anecdotique plus léger. Systématiquement utilisé dans les Ted Talks.
– le build-up :
Faire une exposition sur un produit avec le plus de suspens possible pour aiguillonner la curiosité de la cible. Plus l’exposition est longue, plus elle filtre les indécis à la façon d’un scam, ce qui permet de sélectionner la frange de l’audience la plus influençable. Commence souvent par un storytelling.
– le ce-n’est-pas-tout :
Ajouter des produits supplémentaire et non liés à l’intention initiale d’achat pour donner à la cible l’impression d’une opportunité unique. Permet également de jouer sur l’obligation de réciprocité. Peut inclure des cadeaux « d’une valeur inestimable », si c’est inestimable et que c’est offert c’est vraiment une occasion en or, pas vrai ?
– la crainte-puis-soulagement :
Annoncer des prix plus élevés que ceux qui seront finalement demandés afin que ces derniers paraissent moins élevés à la cible. Se décline aussi de façon non financière dans les abordages de rue effectués par divers dragueurs/quêteurs, par exemple « vous savez que vous n’avez pas le droit d’être là ? Je plaisante, je viens vous parler parce que vous êtes charmante/ parce que je travaille pour ONG n°17530 ».
– la contrainte de temps :
Inclure une limite de temps dans une proposition commerciale afin de générer un sentiment d’urgence. Ce sentiment vient aiguiller nos mécanismes cognitifs sur ce que Daniel Kahneman appelle le Système 1 (pensée intuitive et automatique) par opposition au Système 2 (pensée logique et consciente). Si la cible ne fait pas un effort conscient pour évaluer globalement la situation, elle risque de céder au biais cognitif d’aversion à la perte et de se précipiter sur la promotion « pendant qu’il en est encore temps ».
Et vous ?
Avez-vous à l’esprit des moments où vous avez effectué des achats sous l’influence d’une de ces techniques ? Au contraire, avez-vous l’impression de toujours passer entre les mailles de ce filet marketing ? Partagez vos expériences dans les commentaires !
4 réflexions au sujet de « Manipulation et marketing : les 4 techniques préférées des webmarketeurs »
Merci pour cette excellent article. J’ai toujours eu l’impression que la plupart des sites ayant trait au développement personnel ou des domaines plus ou moins proches (argent, santé, sport, nutritition,…) suivaient le même modèle, ce qui a plutôt tendance à enclencher mon détecteur anti-arnaque.
Je me pose donc la question: est-ce que tous savent ce qu’ils font et le font en connaissance de cause ? Ou est-ce parce qu’ils font « comme les autres » sans savoir pourquoi ? Je me dis que c’est dommage, car peut-être que certains ont des produits intéressants, mais lorsqu’on tente de me manipuler d’entrée, cela a tendance à me rebuter. N’étant sans aucun doute pas le seul, ils acquièrent donc des clients, mais se coupent aussi de nombreux clients potentiels.
Je trouve cela d’autant plus dommage, que si l’on est dans le domaine du développement personnel, c’est avant tout pour aider les autres. Et si l’on sait comment devenir riche, je trouve douteux que d’avoir besoin de vendre du vent ou de mettre en place un sorte de jeu de l’avion sur internet.
Merci pour ton commentaire Frédéric.
Je ne voudrais pas généraliser et je ne peux évidemment pas me prononcer sur tout le monde vu que je ne connais pas tous les sites du marché, mais je vois deux phénomènes compatibles. D’une, ceux qui ont étudié le sujet, consulté études et statistiques, et savent donc factuellement que telle ou telle méthode augmentera leurs ventes. De deux, ceux qui n’ont pas le savoir mais sont dans l’imitation intuitive, « les autres sites le font donc ça doit marcher ».
Après, je vais me faire l’avocat du diable en rappelant qu’utiliser les biais des humains est une forme d’adaptation. C’est donc tout à fait légitime en matière de sélection naturelle. Par exemple, les études indiquent qu’un commerçant en ligne vend plus de produits s’il propose une gamme d’options. Une formation à 79 euros, une version premium à 119 euros et une version illimitée à 199 euros réaliseront un meilleur résultat qu’un produit unique, qu’il s’agisse du plus cher ou du plus abordable. Sachant cela et puisque le commerçant ne force pas ses acheteurs à être biaisés, pourquoi ne pas concevoir une telle gamme ? C’est la frontière (floue) entre influence et manipulation ainsi qu’entre ce qui est éthique et ce qui ne l’est pas. D’ailleurs j’ai moi-même constaté que les prix se terminant par « 7 » vendaient mieux que les prix ronds. Fort de ce constat, j’ai changé ma politique tarifaire alors que je voulais proposer des prix ronds. Il faut aussi savoir s’adapter au feedback du marché.
Enfin, quelque chose qui nous échappe souvent lorsque l’on est extérieur à une problématique, c’est qu’une personne qui cherche à régler un problème passera outre ce que nous-mêmes considérerons comme une manipulation. Si toi et moi tombons sur le site d’un vendeur de runnings alors que nous ne pratiquons pas la course à pied, notre détecteur à arnaque sera plus sensible tout au long de la visite du site. Au contraire, si nous avons une urgence à régler parce que notre chaussure s’est déchirée deux semaines avant un marathon, une contrainte de temps ne nous dérangera pas et ne sera même pas perçue comme manipulatoire puisque nous avons de toute façon le besoin urgent d’une nouvelle paire de chaussures. Pour cette raison c’est toujours intéressant d’examiner nos comportements de consommateurs. Nous remarquons le story-telling d’un coach, mais faisons-nous attention à la manière dont sont placés les produits quand nous faisons nos courses au supermarché ?
Au passage, tout à fait d’accord avec toi sur le paradoxe des gens qui font fortune en apprenant aux autres à devenir riche. Je ne sais pas trop comment ils se regardent dans la glace mais vu la diversité des personnalités humaines, ce n’est pas étonnant que ces cas existent.